Psychologue clinicienne et psychanalyste au 4, rue Cambon 75001 Paris
Véra Fakhry

Véra Fakhry, psychologue et psychanalyste à Paris 1er.
Séances en cabinet ou à distance.

Le corps dans tous ses états

« Le corps vivant est un tout dont les parties s’interpénètrent ; le corps possède un élément intérieur de cohésion, l’âme ; elle croît, diminue, meurt et renait à chaque instant, jusqu’à la mort ; c’est une grande partie organique de l’être » Hippocrate.

Mon expérience clinique dans des services de médecine m’a poussé à explorer les retranchements du corps, du corps malade au corps altéré, à ce corps douloureux ou mystérieusement insensible, au corps modifié, ignoré, prostré, au corps qui embarrasse, à celui qui est mortellement atteint, à ce corps regretté, singulièrement unique, mystérieux mais pour à travers lequel le sujet se bat si fort.

Comment expliquer les tribulations du corps ? Comment la psyché est-elle intriquée au corps ?

De la maladie encore inconnue qui ravage parfois et laisse ses traces, aux maux corporels quotidiens qui surviennent sans cause médicale identifiable, en appréhendant le corps neurologiquement ou mortellement touché, le corps, notre allié le plus précieux n’en a pas fini de nous étonner. Que vient exprimer notre corps ? A-t-il un langage ? Quelle est l’impact de la maladie de l’autre sur soi ? Pourquoi consulter un psychologue lorsque la maladie apparait, que le symptôme persiste, que la maladie chronique s’installe ou qu’elle impacte une personne aimée ?  Autant de questions posées, auxquelles vous trouverez j’espère, quelques esquisses de réponses.

DE LA MALADIE A SES SEQUELLES : la COVID 19

Par Véra Fakhry, psychologue, psychanalyste, novembre 2020 ;

Une maladie mal connue, source d’angoisse

Fièvre, maux de tête, toux sèche, difficultés respiratoires, fatigue intense, agueusie ou anosmie, désordres neurologiques, dermatologiques, gastriques et tant d’autres, celui qui est atteint par la COVID 19 fait face à un catalogue de symptômes apparemment identifiés. Or sous cette apparente connaissance, la COVID 19 est mal connue. Car quels sont les contours de cette maladie en termes de contagiosité, dangerosité, durée, de séquelles à long terme ?

En 2020, ce virus est nouveau et ses effets à maints égards inconnus. Tout questionne. Il sévit, il mute tandis que rien de défini, encore moins définitif, ne peut être avancé. Les repères familiers habituellement donnés par la médecine, (symptômes, diagnostic, traitement, vaccin, guérison) n’existent pas encore. Or rien n’est plus anxiogène que l’inconnu pour la psyché.

Face au danger que représente l’inconnu, la recherche de familiarité est légitime, sécurisante. Tant et si bien que, comme le soulignait Freud, le sujet préfère psychiquement rester dans un système délétère mais familier, que d’avancer vers l’inconnu, vers un fonctionnement plus vertueux mais couteux car nouveau : c’est ainsi que le sujet (en thérapie par exemple) met du temps à changer, même lorsque sa volonté consciente est forte. L’habitude et la familiarité permettent une économie d’énergie psychique, soit un semblant de gain d’énergie immédiat. Ce fonctionnement s’il est efficace sur le moment, dans un mécanisme de défense lié à l’urgence, cède à long terme. En particulier lorsque les repères changent durablement et qu’une situation inédite perdure.

Or aujourd’hui, notre environnement a lui-même a perdu de sa stabilité. La pandémie s’installe et ce dernier devient mouvant, imprécis Or, c’est cet environnement, cher à la psychanalyse anglaise dont l’importance a été prônée par D. Winnicott, qui nous a permis de grandir en sécurité ; le bébé l’appréhende dès sa naissance et s’en imprègne. L’environnement est « contenant » dans le sens où il fonctionne comme une enveloppe familière et protectrice. Or, cet environnement familier est largement bouleversé. Désormais le familier disparait au profit de l’énigmatique qui se loge dans divers interstices : le virus et ses séquelles, le confinement et un mode de vie différent où les habitudes sociales et intimes sont modifiées, du télétravail ou de l’absence de vie professionnelle mais aussi les reports d’examens de santé ou de traitements, etc Outre la peur de contracter le virus à l’issue incertaine, la vie de chacun est modifiée. L’angoisse, loin de se tarir, trouve au fil du temps, largement de quoi se repaitre et grandir en chacun.

Un virus à résonnance traumatique

« C’est une petite grippe ! » « Ça ne touche que les personnes âgées ! » Voilà ce que nous entendions, ou que nous continuons à entendre en ces premiers mois de pandémie. Déni, dénégation, banalisation, rationalisation, un cortège de mécanismes de défense psychologiques se sont légitimement et inconsciemment mis en place pour beaucoup de sujets : le temps d’abord de comprendre, d’appréhender le mieux possible cette situation collective inédite ; Le temps d’amortir le choc.

Pourtant, le corps médical, les patients et les familles ont très tôt été confrontés au Réel de cette maladie, face à un danger et non des moindres : celui de perdre la vie ou de la mort soudaine de l’autre. Car quel que soit l’âge, le virus sévit. Même si la frange de la population mortellement atteinte concerne surtout les grands séniors, chacun peut dans cette nébuleuse, se retrouver légèrement ou plus gravement contaminé. Comment s’affranchir de cette angoisse de mourir lorsque le virus est là, lorsqu’il affaibli durablement ? A 25 ans, heurtant une personne jeune en excellente condition, à 40 ou 55 ans, dans une forme plus sévère du virus, avoir vu la mort de près change. S’en sortir oui, mais avec quelles séquelles psychiques parfois ?

Quelle que soit la gravité des symptômes développés, avoir eu peur de mourir ou de voir l’autre disparaitre est de l’ordre du traumatisme. Le caractère mortel de la COVID 19 peut aussi surgir à travers le vécu d’un ami ou collègue malade, un proche qui décède : le virus devient une menace palpable. La rencontre avec l’idée de sa propre mort ou de celle d’un proche peut profondément ébranler et modifier la perception du sujet dans sa temporalité, présente et future. Elle n’est en aucun cas à considérer de façon banale car elle vient toujours entrer en résonnance avec un évènement antérieur : l’événement actuel ne vient que faire écho à une situation douloureuse passée. C’est que Freud ou Ferenczi nomme traumatisme.

Des séquelles persistantes, une vie changée ?

Fatigabilité, essoufflements, manque de concentration, perte de mémoire, quelques mois après la maladie, certains sujets qui ont été atteints par la COVID 19 n’appréhendent plus la vie de la même manière. Hospitalisé ou à domicile, en réanimation ou non, ce vécu de maladie transforme. Sentiment de honte, faiblesse physique, difficultés respiratoires qui perdurent, vie altérée, le sujet ressent des mois plus tard, des séquelles. Ce vécu est d’autant plus difficile à vivre au jour le jour que le sujet est jeune, sportif, en pleine santé ou qu’il a justement déjà contracté des maladies potentiellement graves. Ces vécus antérieurs peuvent alors affleurer et dévoiler une fragilité : la COVID 19, comme d’autres maladies, peut révéler des fragilités qu’il est alors temps d’aller explorer.

Avoir eu peur de mourir, d’être définitivement différent (handicapé, diminué) rend différent. Des séquelles physiques aux répercussions psychologiques en lien avec la COVID 19, il n’est jamais anodin de contracter un virus, surtout lorsque celui-ci est encore inexploré.

Aussi, oser parler avec un psychologue de son vécu de malade, pouvoir librement évoquer les séquelles ressentis subjectivement, est important. Fort d’une expérience à l’écoute de patients « post-covid », en cabinet ou en téléconsultation, je suis familière de ce champ. La parole libérée permet de diminuer l’angoisse, voire la dépression, de dénouer les fils (les raisons) qui tissent le noeud traumatique qui a surgi après avoir contracté le virus. Ce vécu riche vient souligner des fragilités somatiques ou psychologiques et ouvrir la voie vers une meilleure compréhension et un mieux-être à soi-même.

DES TROUBLES SOMATIQUES

« Le symptôme hystérique ne peut se produire sans une certaine complaisance somatique qui se manifeste par un processus normal ou pathologique dans ou sur un organe du corps ». Freud, 1905.

Les troubles psychosomatiques sont le lot de tout un chacun. S’ils se manifestent plus ou moins intensément, de façon récurrente, certains privilégient, à leur insu, ce mode d’expression en lien avec leur histoire personnelle et de leur construction psychique.

Etre saisi d’une violente migraine à l’approche de chaque examen scolaire important ; Souffrir d’une allergie cutanée la veille d’une période de repos en famille ; ne plus pouvoir se nourrir à la suite d’une séparation amoureuse, être pris de vertiges à l’heure de la retraite : autant de manifestations somatiques bruyantes qui questionnent.  

Quelles sont les raisons inconscientes qui poussent le corps à de telles douleurs ? Aucun dictionnaire de ces symptômes physiques ne saura répondre à la subjectivité que chaque sujet déploie dans cette cacophonie de symptômes. Chaque personne est riche de son histoire, porte en elle sa pré-histoire personnelle, ses associations uniques, a ses propres représentations quant à ce qu’elle vit, quant à sa façon d’y donner un sens.

C’est lorsque les explorations médicales sont infructueuses que la question se pose : serait-ce du registre psychologique ? Comment distinguer une paralysie due à une défaillance neurologique d’une anesthésie hystérique si aucun critère objectif ne vient appuyer ce mal, si elles ne sont pas systématiques et constantes comme le soulignait L. Israel, psychanalyste ? 

Pourtant, parfois le corps par ses expressions corporelles va plus loin et vient exprimer des maux inconscients de l’ordre du vital. Il s’agirait parfois comme le proposait J. Mac Dougall, psychanalyste anglaise, d’une hystérie archaïque, c’est-à-dire d’un langage du corps, celui du tout petit, qui n’a pas encore les mots pour le dire, qui vient exprimer quelque chose de l’ordre du vital.

Quelle est la fonction de ces symptômes ? Quand cessent-ils ? Peuvent-ils disparaitre ou est-ce une fatalité corporelle, familiale ?  Est-ce cela être hypocondriaque ? Si seulement la douleur pouvait disparaitre. Et si ce symptôme venait mettre à jour, comme une lettre codée adressée à soi-même, une souffrance lointaine ? Si seulement l’inconscient pouvait s’exprimer par d’autres chemins moins complexes, la psyché n’aurait pas besoin de passer par le corps pour se dire. Parfois l’expression la plus ancienne, celle qui passe par le corps- qui opère à l’insu du sujet dévoilant ses angoisses ou peurs archaïques dont le sujet consciemment ignore tout- est la seule qui subsiste.

Une grande déception peut-elle engendrer un mal de dos ? Un deuil peut-il rendre sourd ?

La psychosomatique ne relève d’aucune magie. Le corps ne traduit une douleur, une faiblesse qu’à l’endroit où une fragilité physiologique préexiste. Pour reprendre la métaphore du cristal de Freud, celui-ci ne se brise pas arbitrairement mais à l’endroit où il était déjà préalablement fragile, déjà fissuré. Ainsi la sciatique ne viendrait se déclarer bruyamment que pour une personne ayant déjà une fragilité dorsale.

Pourquoi le corps se manifeste-t-il si bruyamment ?

« Le nourrisson exprime les conflits psychiques invariablement sur un mode psychosomatique, les signes les plus précoces étant l’altération d’une des fonctions physiologiques fondamentales comme la respiration, la digestion, l’évacuation et le sommeil ». Joyce Mc Dougall, 1989.

Notre premier langage est celui du corps. Le petit d’homme, dans son immaturité fonctionnelle, inspire à la naissance sa première goulée d’air puis pousse ses premières vocalises. Puis il a physiquement mal : a-t-il faim ? Soif ? Est-il fatigué ?  La seule chose qu’il sache c’est qu’il ressent une douleur intense : il pleure. Et s’il se fait entendre et comprendre, sa mère l’apaisera avec le sein ou le biberon et sa douleur cessera. Le nourrisson n’a alors que son corps pour exprimer ses besoins : par ses cris mais aussi par son comportement.

Mais lorsqu’adulte, une rage de dent survient la veille de retrouvailles familiales, qu’une fièvre se déclare quelques minutes avant un entretien d’embauche, le hasard n’en est pas un. La douleur, vrai signal d’alerte, vient entraver un mouvement que le conscient accepte mais que par ce passage à l’acte corporel, mais que l’inconscient réprouve.  Pour reprendre l’expression de Freud « le cauchemar est l’échec du rêve » : il met ici en exergue les motifs inconscients que le rêveur aurait voulu se masquer à lui-même mais qui échouent au travestissement du rêve : en apparaissant sans fard, le cauchemar ne dissimule plus l’angoisse qui apparait clairement au rêveur. Ici la somatisation vient – heureusement- entraver une situation que le sujet rejette.

C’est ainsi que le symptôme somatique vient donner la voix à l’inconscient. « L’hystérie transforme les paroles et angoisses en manifestations somatiques » soulignait L. Israël à la suite de Freud. Ce qui s’exprime à travers la plainte somatique en dit long sur l’essence du conflit psychique qui se joue alors à l’insu du sujet. Quand le déguisement de la douleur corporelle perd de son mystère et que la raison inconsciente émerge, le symptôme ne perdure pas, il cède.

Nous sommes tous sujet aux somatisations et plus particulièrement lors des cures analytiques. Et ce n’est pas parce que le sujet pense savoir ce qui se joue que le symptôme disparait pour autant. La traversée du symptôme somatique semble nécessaire pour dénouer le nœud du symptôme somatique, celui étant polysémique. Si le mécanisme semble transparent, ce n’est que la raison manifeste, consciente, qui apparait. Mais qu’en est-il du contenu manifeste, c’est-à-dire plus caché ?  

Quel vrai message le corps veut-il adresser à la psyché ?  

C’est toute la question qui se pose dans le cadre d’une psychothérapie d’orientation analytique, ou sur le divan d’une analyse. Qu’apporterait l’analyse au sujet névrosé ? La possibilité de parler de ses symptômes, et en parlant, de découvrir qu’ils recèlent les questions fondamentales du sujet disait Israël. Les symptômes névrotiques sont un message dont le sens émane de l’inconscient. Le symptôme pour Freud était l’expression de ce qui se jouait sur un autre scène, signes qui seront majorés en l’absence d’un interlocuteur pour les entendre. Ecoutés, ses mêmes symptômes perdent de leur intensité.

La place de l’expression somatique en analyse

« Quand un adulte (..) tombe lui aussi somatiquement malade, nous sommes tentés de conclure que nous avons affaire à une forme archaïque de fonctionnement mental qui ne se sert pas du langage ». J. McDougall

Mon écoute clinique se porte naturellement sur les tribulations du corps, les douleurs, les somatisations qui sont réactualisées dans le cadre de la cure analytique. Ce mode d’expression de l’inconscient est tout aussi important que les mots exprimés et porteurs d’un sens subjectif fort pour le sujet concerné.

J. McDougall postulait l’existence de ces « phénomènes (psychosomatiques) s’enracinaient bien souvent dans la première enfance. Les adultes fonctionnent parfois psychiquement comme de petits enfants qui ne pouvant utiliser les mots ne peuvent réagir que psychosomatiquement à une émotion douloureuse. Détricoter par la parole les « maux » de l’inconscient est toute la tâche à laquelle s’attèlent l’analysant et l’analyste.

DE L’ACCIDENT A LA MALADIE NEUROLOGIQUE : L’AVC , LA MALADIE d’ ALZHEIMER

« La mémoire du passé n’est pas faite pour se souvenir du passé, elle est faite pour prévenir le futur. La mémoire est un instrument de prédiction. »- Alain Berthoz

Aborder le thème des troubles neurologiques semble antinomique à la psychanalyse. Et pourtant. Une personne même très atteinte sur le plan cognitif (suite à un accident neurologique , de voiture, à la maladie d’Alzheimer…) reste un sujet riche de son inconscient. Je rejoins Le Gouès, psychanalyste, qui fait le pari pascalien « sur la présence d’une vie psychique chez le dément », entendons ici à la place de dément, toute personne atteinte sur le plan neurologique qui semble dérailler sur le plan conscient tout au moins.

Qu’est-ce qu’une atteinte neurologique ? En neurologie, le mot « déficit » est beaucoup usité. Il s’agit de détérioration, d’une incapacité de la fonction neurologique comme la perte de la parole, la mémoire, la vision, la dextérité, l’identité etc. Chaque mot désigne une fonction mentale ou neuronale dont la personne, par le biais de la maladie, d’une blessure ou d’un manque de développement peut se trouver partiellement ou totalement privés. Ce qui intéressait Sacks, neurologue concernait ces « désordres neurologiques affectant le soi » qui ouvrent et laissent entrevoir des mondes à peine imaginés. Ces désordres peuvent résulter de détériorations autant que d’excès fonctionnels. Mais une maladie n’est jamais qu’un excès ou une privation car il y a toujours une réaction de la part de l’organisme pour restaurer, remplacer, compenser et préserver son identité, si étranges que puissent paraitre les moyens pour parvenir à ce résultat. Tout comme Freud, qui loin de condamner les délires de paranoïa, considérait qu’ils étaient des tentatives, souvent maladroites de restitution, de reconstruction d’un monde réduit à l’état de chaos.

Pour le sujet atteint de séquelles neurologiques, une identité à retrouver

Comment tout simplement continuer à être sans se reconnaitre, tandis que l’autre, tandis que l’autre garant de qui nous sommes par son regard, n’arrive plus, lui aussi, à s’y retrouver ? Qu’il s’agisse d’un sujet ayant eu un A.V.C, étant atteint de la maladie d’Alzheimer, d’un cancer en phase terminale, la question identitaire est très prégnante car elle régit notre façon d’être à nous-même et aux autres, de nous appréhender tant par celui qui nous fait face, que par ce qu’il représente pour nous dans notre constellation psychique.

Il est, par exemple, très difficile d’imaginer les conséquences de certains troubles comme l’héminégligence. Un patient atteint par ce trouble raconte comme il est attiré comme un aimant vers un côté et en oublie l’autre, tandis qu’un artiste peintre fait désormais abstraction des détails dans ses tableaux. Le handicap fonctionnel de ce syndrome est très invalidant. La personne cérébrolésée peut facilement se sentir dépendante de son entourage si elle n’est pas anosognosique (sans connaissance de sa maladie) concernant sa pathologie. Se socialiser, s’insérer ou discuter dans un groupe peut s’avérer complexe puisque le sujet, dans cette pathologie, ignore une partie de l’espace. Si la porte est sur sa gauche, sortir d’une pièce peut devenir laborieux s’il n’est pas rééduqué à en faire le tour de lui-même pour resituer la sortie dans son hémichamp droit. Il peinera aussi à s’occuper de ses documents administratifs car écrire, lire, calculer s’avérera très vite limité. Si un entourage et une rééducation adaptée ne sont pas correctement envisagés, un certain isolement et une inhibition sociale peuvent voir le jour. Gêné malgré lui par son handicap, le sujet devra trouver un sens pour investir sa rééducation et vivre le deuil d’un état antérieur, d’une vie qu’il ne retrouvera pas. L’équipe pluridisciplinaire qui œuvre pour permettre cette rééducation physique si elle est capitale doit à mon sens se doubler d’une prise en charge psychique permettant à la personne concernée de se retrouver sur le plan identitaire.

Pour les proches de la personne lésée neurologiquement, un deuil à faire

C’est toujours compliqué de communiquer avec un proche quand ce dernier ne semble plus avoir de mémoire à court terme, alors qu’il avait une fabuleuse mémoire …et qu’aujourd’hui il est amnésique et ne se souvient pas, avec la meilleure volonté du monde, des derniers mots que vous avez prononcés comme l’illustre le sketch de la série « vestiaires »**.

C’est toujours déstabilisant de penser réconforter un parent atteint d’une maladie neurologique et de se voir insulter alors que les relations étaient excellentes. C’est surprenant de rendre visite à un proche paré d’un grand sourire et que ce dernier se mette à pleurer longuement alors qu’il était d’un naturel très pudique avant l’accident…Ces comportements semblent contradictoires lorsque l’énigme de la maladie psychique surgit, moins lorsque les symptômes de la maladie neurologique sont expliqués. Car la maladie psychique se distingue de la maladie neurologique alors même que certains symptômes se ressemblent parfois. Or, dans la maladie neurologique, une sorte d’erreur « mécanique » transforme extérieurement le sujet qui reste lui-même sur le plan inconscient. Comment le comprendre ? Mais pourquoi n’arrive-t-il pas à se « contrôler » ? Parce que la cause en est mécanique justement. Si dans la maladie psychique, une insulte adressée à l’autre peut être polysémique, dans la maladie neurologique, une atteinte frontale peut générer le même type de trouble sans que ces insultes aient un destinataire particulier ; d’autres compensent comme le sujet prolixe habituellement qui osera peu de mots parce qu’il sait qu’il ne parviendra pas à exprimer clairement sa pensée.

Si la personne cérébrolésée est anosognosique, il appartiendra à l’entourage de bien soutenir son proche car ce dernier sera très gravement invalidé même s’il ne s’en rend pas compte : écrire, compter, lire le journal, ouvrir sa boite aux lettres ou conduire une voiture, autant d’actions quotidiennes, selon le degré d’atteinte, que le sujet atteint ne pourra plus effectuer de façon autonome sans être un danger pour lui-même. En effet, ne voyant peu ou prou ce qui se situe dans son hémichamp droit, pour reprendre cet exemple, il peut se blesser en cognant à un mur ou heurter une personne lors d’un déplacement. En cas d’héminégligence globale souvent accompagnée d’anosognosie en début de maladie, Il faudra que l’entourage veille à une prise en charge de tâches non travaillées lors de séances de rééducation. Il apparaitrait que cette prise en charge soit efficace. La question du maintien au long terme de ces acquis est d’actualité.

Oublier pour un soignant, qu’un patient oublie ; assister à une hilarité de la part d’un sujet peu enclin à montrer ses émotions autant de réactions qui ne manquent pas de surprendre tandis qu’elles sont la conséquence d’un dysfonctionnement neuronal, d’une séquelle d’un accident neurologique. L’origine de ce ou ces troubles est « mécanique » : toute personne qui a côtoyé une personne atteinte de ce type de troubles peut comprendre le côté déroutant et non maitrisable de ces lésions. Si la rééducation fonctionnelle peut grandement aider certains sujets, d’autres restent profondément atteints. Un travail de deuil s’esquisse, un long processus qui se compte en années et qui consiste à apprivoiser ce nouvel état pour le sujet tandis qu’il s’agit d’accepter la personne cérébrolésée désormais différente pour ses proches.

Comprendre et appréhender ce fonctionnement est un vrai travail psychique. Il contribue au bienêtre du sujet qui explore les facettes du sentiment de culpabilité qui est inhérent à ce type de handicap, et permet ainsi de diminuer l’angoisse. Plusieurs exemples de troubles neurologiques peuvent faire imaginer le désarroi du patient atteint mais aussi de ses proches qui l’accompagnent comme l’amnésie, l’incontinence émotionnelle, l’agressivité. En effet, l’A.V.C, reste la première cause de handicap en France.

Après un AVC

Mon expérience clinique m’a menée à prendre en charge, dans le milieu hospitalier, des patients en rééducation fonctionnelle : après un Accident Vasculaire Cérébral (AVC) grave, qui occasionne des séquelles tant neurologiques que corporels, de façon parfois irréversible, il faut, tant bien que mal, continuer à vivre ! Comment se réapproprier son propre corps ? Comment accepter un changement perceptible par l’autre dans sa personnalité suite à une séquelle neurologique ?

Les conséquences de l’accident vasculaire cérébral dépendent de la rapidité de la prise en charge, de l’étendue de la zone touchée et de la zone cérébrale atteinte. C’est ainsi que les séquelles peuvent aller d’une hémiplégie où le patient récupère rapidement à un handicap lourd permanent comme une tétraplégie.

Le plus souvent, la récupération fonctionnelle survient en quelques jours à quelques mois car si des cellules cérébrales ont été détruites, d’autres peuvent prendre le relais, sans oublier la plasticité cérébrale qui fait que d’autres zones du cerveau peuvent développer des fonctions de remplacement. Il existe cependant des cas où les paralysies deviennent permanentes, s’accompagnant de difficultés à déglutir, à parler et à réaliser les activités quotidiennes. De nombreux autres troubles peuvent se manifester : troubles de la mémoire, de la pensée, de l’apprentissage, des émotions, rétrécissement du champ visuel périphérique, baisse de l’audition, perte de contrôle des sphincters (incontinence urinaire), etc. Concernant l’AVC ischémique, on considère que les troubles neurologiques qui persistent au-delà de 6 mois deviennent définitifs, tandis qu’en cas d’AVC hémorragiques, des améliorations peuvent être attendues sur plusieurs mois, voire des années. Les séquelles neurologiques sont donc loin d’être facilement compréhensibles et surtout acceptables.

Accompagner et donner un sens à la perte

Dans ce type de pathologie, la personne accidentée souffre, la famille aussi.

Chacun a un deuil à mener.

Pour celui qui a vécu l’accident et dont les séquelles sont parfois lourdes, sa vie entière est bouleversée pour parfois même relever du champ du handicap : la vie sociale, l’identité professionnelle, la vie familiale et amoureuse peut s’en trouvée changée à jamais. La personne doit donc réapprendre à vivre avec de nouveaux repères. Pour d’autres des aménagements de vie sont nécessaires jusqu’à un vrai changement de vie est imposé.

Pour le proche, le conjoint, l’enfant, la famille, un deuil s’amorce parce que désormais le sujet atteint n’est plus le même pour ses proches. Comment se sentir encore l’enfant d’un père qui ne vous reconnait plus comme tel ? Autant de repères, de place familiale, de changement de code de communication qui désarçonnent.

Cette période suivant l’accident neurologique, même si elle est très douloureuse pour le sujet et ses proches, est, peut être porteuse de sens. Elle permet, comme tout moment de crise, une renaissance. Dans les temps de la vie où le corps « fait des siennes » – grossesse, adolescence, vieillir –  où effracté, il fait émerger des problématiques tues, d’inscrire un sens nouveau et de procéder à un réaménagement cognitif et psychique intenses.

VIVRE AVEC SON HANDICAP

« Un bain hebdomadaire me plonge à la fois dans la détresse et la félicité. Très vite j’ai la nostalgie des grands barbotages qui étaient le luxe de ma première vie » JD Bauby – Le scaphandre et le papillon

Plutôt mourir que de rester ainsi dans ce corps mutilé, disent certains. En effet, quel est le sens de ce corps faible, que je ne reconnais plus et qui m’échappe, qui me met dans l’impuissance de me mouvoir, de manger, de parler correctement exhibant malgré moi ma faiblesse ? Que va-t-il encore me faire ? Ce corps si puissant devient « un objet encombrant », « celui d’un autre j’ai la garde » disent certains, mais dont la maitrise tant interne qu’externe fait défaut. L’évocation de la faute, de la bêtise de ce corps génère un fort sentiment de culpabilité. Ce corps-objet « à trimballer » fait travailler quotidiennement : autant s’en faire un allié. Mais comment prendre soin et faire un avec ce corps qui ne répond plus « au doigt et à l’œil » ? Faut-il être maitre de mon corps pour que celui-ci vous appartienne ?

Certains sujets pensent d’emblée ne jamais pouvoir accepter ce corps qui ne les reflète pas. Ils vivent leur corps comme dissocié d’eux-mêmes. Comment rétablir la communication entre la psyché et le corps si défaillant soit-il ?  

Perdre la vue, être amputé d’une jambe, devenir tétraplégique, perdre l’ouïe, c’est entrer dans un processus complexe d’appropriation nouvelle du corps. Ce processus prend du temps. Une moyenne de 5 ans est nécessaire peut appréhender cette nouvelle réalité. Etre accompagné psychologiquement dans ce temps, où « rien n’ira mieux » souligne S. Korff-Sausse, psychanalyste, peut être nécessaire.

PARLER LA MALADIE GRAVE

 « Comment aborder la fin de soi quand la maladie l’impose et que la vie déroule son dernier parchemin sous le voile de la mort ? » M. F. Brunet Lourdin, 2001.

Etre atteint par une maladie grave

Une grande fatigue, une douleur incessante, aigue, ou sourde, mais dont la cause échappe ; des modifications corporelles inexplicables, autant d’atteintes corporelles qui lorsqu’elles se chronicisent voire s’accentuent ont un réel retentissement sur le vécu quotidien. Car nous sommes faits de ce corps dont nous ne pouvons-nous départir ; quand il fonctionne, souligne Leriche, en pleine santé « c’est la vie dans le silence des organes ». Quand aucun organe ne se signale à nous, nous en oublions que nous avons un corps : nous sommes, tout simplement.

Alors quand à la fin d’un parcours médical fastidieux parfois, de recherches, d’examens pour découvrir la cause du mal qui étreint son corps, le diagnostic de maladie « grave » tombe – entendons par là, une maladie dont on ne guérit pas – rien n’est plus pareil. L’annonce d’incurabilité d’inscrit de façon indélébile. Rien ne sera plus jamais plus comme avant.  Si nommer la maladie permet de circonscrire le mal, l’angoisse n’en est pas moins au rendez-vous. Comment intégrer cette nouvelle impossible ?

Si le choc initial est normal, il est d’autant plus grand que l’annonce est inattendue, comme lorsqu’elle fait suite à une mammographie de routine, un test de sérologie banal. La médecine a fait des progrès considérables et la limite des traitements difficilement imaginable. Aussi, lorsque le couperet tombe et que le temps de vie est désormais compté, les perspectives temporelles se modifient progressivement.

C’est faire le deuil d’un temps de vie, d’une vie vécue en pleine santé. C’est progressivement c’est changer un mode de relation pour en retrouver d’autres, souligne P. Verspieren dans sa vision d’anthropologue. Car ce temps à venir est un moment extrême qui convoque des réactions et des ressources elles-mêmes extrêmes dont personne ne soupçonne l’existence et la force tant que cette expérience ne se vit pas : tant que nous sommes vivants, chaque instant compte.

L’avant n’a plus la même consistance car cette annonce marque une fracture temporelle : la notion de passé est plus aigüe, le présent est altéré par cet avenir plus ramassé. Mais comment investir ce temps à venir, fait de pertes successives, jusqu’à l’entièreté de sa personne ? Comme le souligne M. Ruszniewski, psychanalyste « de l’annonce consciente d’une non-guérison, à la perception d’une mort, il y a un écart ». Si l’idée de mort se profile plus nettement, le psychisme ne sait l’envisager que de façon ambivalente,c’est-à-dire de façon inconstante. Tantôt le sujet sait, tantôt il ne sait plus. C’est un mécanisme de défense légitime et normal. Parfois des mécanismes de défense plus radicaux opèrent, comme celui du clivage, où le sujet sait pour partie tout en ignorant sur un autre pendant qu’il va mourir.

C’est ce qui explique parfois la difficulté des proches, des équipes soignantes à accompagner au jour le jour la personne malade en la respectant dans son cheminement psychique face à son mourir. Ainsi, lorsque le sujet est dans le déni, c’est-à-dire dans un refus inconscient de son état, le dialogue est compliqué. Comment parler d’un événement que la psyché refuse de reconnaitre ? Ainsi, des quiproquos surgissent : la personne informée ne retient pas l’information, continue à chercher de solutions concrètes alors que le choix de ne pas poursuivre les traitements ne se pose plus, ou ne s’est jamais posé.

Normalement, c’est en effet de la mort de l’autre dont il s’agit. Mais comment penser sa propre finitude ? C’est pour M. Ruszniewski « accepter le présent spolié de son devenir, c’est permettre précisément au mal de vivre sa propre réalité en naviguant entre les différentes phases de son corps ». Engagé dans ce temps désormais particulier, le premier instinct de l’humain conscient de sa mortalité proche, consiste à figer le temps présent, comme le traduit L. Laufer, psychanalyste, « l’événement traumatique suspend l’atemporalité du temps, c’est-à-dire neutralise les conditions psychiques pour vivre le temps ». Il s’agirait de geler, de façon inconsciente, ce qui fait traumatisme, ici le mourir.

Qu’est-ce que mourir ?  « La mort est un processus » affirme Hans Jonas, philosophe.  C’est une cascade de phénomènes biologiques qui se succèdent qu’à ce que l’organisme s’éteigne. C’est un dépérissement progressif de l’organisme, sous une forme accélérée. Aussi ce temps vécu appartient il pleinement à la vie. Tantôt palpable, tandis flou, ce destin funeste marque l’inconscient. La vie palpite fort. Parfois très fort ; Car cet événement s’il est somatique est également psychique comme le proposait De M’Uzan : aussi ce temps du trépas est-il précieux, unique, un temps à vivre au présent, pleinement, un temps de cheminement psychique, un temps où il est encore temps de donner un sens à la transmission consciente ou inconsciente en cours : car celui qui s’éteint laisse à ceux qui lui survivent une

Accompagner un être cher atteint d’une maladie grave

« Les millénaires n’ont pas suffi à l’homme pour apprendre à mourir » A. Malraux

Vivre l’instant présent

« C’est pour quand ? » demande la nièce d’une patiente à l’infirmière

« A quoi sert ce temps puisque l’on en connait l’issue fatale ? » dit un fils concernant son père

« Je ne sais plus depuis combien temps je suis là » déclare une fille au chevet de sa mère malade en USP depuis une semaine

Ce qui prime lors de l’accompagnement d’une proche en fin de vie, c’est être pleinement là. La qualité de l’instant vécu prime sur la quantité de temps passé auprès de sujet malade qui, souvent affaibli, ne peut investir pleinement le temps d’une très longue visite. La présence, même lorsque le sujet ne semble plus conscient, est essentielle. Parce le patient même très faible reste sensible à un parfum familier, à un ton de voix, au son d’une démarche, à la chaleur d’une main, la présence des proches, de tout âge, enfant compris, est un vrai baume pour le patient dans la majeure partie des cas. Si certains préfèrent limiter les visites à quelques très intimes, il est également essentiel de respecter les souhaits de la personne malade car c’est elle et elle seule qui peut décider ce qui est bon pour elle. Une présence au présent « pleine » dirait Lacan, au sens d’une présence pleine de soi, un moment pleinement vécu ensemble est inestimable pour le sujet malade mais également pour celui qui perd un être cher : cela permet de constituer des souvenirs pour l’après, de se dire parfois des choses jusqu’alors tues. Ce moment peut être tissé de silence, être celui d’un partage à l’écoute d’un morceau de musique ou d’un passage lu, un film regardé ensemble, d’une promenade partagée.

Respecter celui ou celle qui accompagné (e) c’est aussi respecter ses limites. C’est prendre en compte l’intensité de ses douleurs, son rythme, sa fatigabilité du jour, ses priorités, sa temporalité, ses besoins parfois minimalistes mais si essentiels. Comprendre que manger constitue un coût énergétique important pour le sujet en fin de vie, que se tenir assis sur une chaise requiert une énergie conséquente est vital. Accompagner l’autre dans son mourir, c’est habiter ensemble cette temporalité singulière dans une forme d’accordage mutuel.

Respecter le cheminement de chacun

« Il faut qu’elle comprenne ce qui lui arrive » disent certains proches.

« J’ai l’impression qu’elle ne veut pas parler » disent d’autres.

« Est-ce qu’il a seulement entendu ce qu’a dit le médecin ? ».

Si toutevérité n’est pas toujours salutaire à énoncer car comme l’écrivait Jules Renard « Il ne faut pas dire toute la vérité mais il ne faut dire que la vérité », il est essentiel d’être dans un partage authentique. Cette présence, cette écoute pleine à l’autre malade est énergivore car chacun mène inconsciemment ou parfois très consciemment un travail psychique intense : celui du prédeuil, postulé par M. Hanus, psychologue, s’entame pour la famille tandis que la personne gravement atteinte est de pertes en pertes, dans le processus du mourir.

Mais ces processus ne sont pas simples à vivre. Parce que chacun n’en est pas au même point d’appréhender la réalité, parce que chacun a un rapport différent à la mort, tout n’est pas partageable, surtout au sein d’une même famille. Parfois le soulagement d’une douleur à priori réfractaire fait flamber le déni ; parfois le déni de la dégradation physique fait espérer que le lendemain sera un peu meilleur. Comprendre que ces pertes sont irréversibles est un travail psychique intense qui ne se traverse pas sans remous. Avec la maladie grave et les traitements de confort – soins palliatifs qui visent à soulager la douleur mais ne n’ont plus d’objectif curatif – les barrières psychiques de la personne malade sont plus perméables : ainsi sa sensibilité est à fleur de peau, ses émotions sont plus vives.

Ecouter ses limites en tant qu’accompagnant

« Je n’arrive pas à quitter sa chambre, j’ai peur qu’il lui arrive le pire » dit un mari au chevet de sa femme depuis 3 jours dans répit

« Je n’arrive plus à manger ou à dormir : je n’arrive qu’à être auprès d’elle déclare une sœur accompagnant sa sœur jumelle en Ehpad

Si écouter les limites de l’autre est vital, cela ne soustrait pas le sujet accompagnant à respecter ses propres limites sous peine de ne plus être en état de pouvoir accompagner celui qui meurt : si ma maladie est longue, il est important de garder de l’énergie pour le temps d’après celui où la perte sera advenue. Aussi il est important de sensibiliser les accompagnants à ce qu’il est convenu de nommer l’épuisement psychique (ou burn-out) des aidants.

Vivre la maladie et voir ses effets est coûteux sur le plan psychique, et c’est mutuel. Si le sujet malade peut avoir un comportement habituel, des mécanismes de défense encore plus rigides peuvent s’ériger parce que le sujet reste celui qu’il est intérieurement, parce que les douleurs sont plus intenses et qu’elle souhaite protéger leurs proches en taisant leur souffrance. Dans ce temps singulier, il est important d’être à l’écoute de ses ressentis, de ceux de l’autre pour s’adapter au moment présent en faisant fi parfois de ses propres désirs qui ne correspondent pas à la temporalité du jour.

Il peut être opportun alors de sa faire accompagner sur le plan psychologique pour pouvoir vivre ce moment dans les meilleures conditions possibles comme cela de fait en cabinet privé ou e USP. C’est alors auprès d’un tiers, un psychologue, qu’il vous sera possible de vous épancher. Car un sentiment de culpabilité peut miner celui qui accompagne « Après tout c’est lui qui souffre dans sa chair pas moi ». Il n’est pas évident de se dire les choses, de partager sa souffrance surtout quand le sujet malade affiche un grand sourire et tente lui-même, par son attitude, de protéger son proche. Chacun tente de protéger l’autre de ses affects tristes.

Il est important de prendre soin de soi pour pouvoir accompagner l’autre, surtout lorsque cette fin de vie vient faire écho à un décès récent ancien, un deuil non fait qui peut à cette occasion refaire douloureusement surface.